La lutte contre les épidémies
Afin de lutter contre les épidémies, la tentation est grande d’en appeler aux saints thaumaturges, saint Roch, que l’on invoque à Telgruc, Saint-Nic et Trégarvan, et surtout saint Sébastien, invoqué à Telgruc, Landévennec, Trégarvan, Saint-Côme et à Crozon où il disposait de sa chapelle à l’angle des actuelles rues Graveran et de Sligo. Leur présence témoigne probablement d’anciennes épidémies. Il faut dire que les structures hospitalières étaient inexistantes, la Maison des Pauvres au XVIIIème et l’Hospice au XIXème siècle étaient des établissements destinés à recueillir les indigents.

À Brest, où existe un hôpital, on a aussi recours à des hôpitaux auxiliaires chaque fois que se profile une épidémie. D’ailleurs, en septembre 1793, la Marine envisage de transformer l’abbaye de Landévennec, récemment rénovée, en un hôpital auxiliaire de 300 lits qui pourrait même être poussé à 500 lits. « S’il eut existé en 1757 et en 1779, point de doute qu’on auroit évité une grande partie des maux qui… ont accablé la marine et la ville ». Mais le projet n’eut pas de suite.
Pourtant la Marine, qui apporte ses secours à chaque épidémie en dépêchant médecins et chirurgiens en presqu’île, a développé sur l’une des îles de la rade de Brest, l’Île Trébéron, un établissement destiné à prévenir les épidémies. Dès novembre 1689, elle y a établi, à l’aide de structures provisoires, une ambulance pour isoler certains malades contagieux. Après la grande peste de Marseille, en 1720, on dote ce lazaret de bâtiments mieux adaptés à leur fonction. Sa capacité est alors portée à 150 lits, mais il n’est ouvert que sous la menace d’une épidémie. On ajoute alors des tentes permettant d’augmenter les capacités d’accueil. Des travaux supplémentaires sont réalisés en 1768-1769 pour y accueillir 655 bagnards contagieux. Ils y seront 964 galeux en 1809. Mais les bâtiments manquent d’entretien.

L’Île Trébéron vers 1960
Une nouvelle phase de travaux a lieu de 1826 à 1832 afin d’augmenter le nombre de salles et de lits. Pendant longtemps les malades, convalescents et bien-portants y étaient mélangés. Désormais l’espace est cloisonné par de hauts murs : une partie de l’île est réservée aux malades contagieux, une autre aux convalescents, une autre aux équipages bien portants des navires consignés à proximité, et la dernière au personnel et aux bâtiments de service. L’île dispose également de son cimetière où existe encore une croix métallique. Une grande campagne de travaux est encore menée en 1857-1858. Le terrain est drainé, les salles des malades rénovées, les bâtiments réaménagés. L’un d’eux est rehaussé. On réalise également des plantations pour y rendre le séjour moins austère. Il faut dire que l’île Trébéron n’est pas seulement un hôpital auxiliaire qui ouvre à l’occasion des épidémies, c’est aussi un lieu où les navires viennent mouiller le temps de purger leur quarantaine et déposer éventuellement leurs malades. C’est en fait le lieu où s’exerce le contrôle sanitaire des navires qui pénètrent en rade de Brest. Les malades y sont à l’isolement afin d’éviter de prendre le risque qu’ils diffusent virus et autres germes en ville.
En 1909-1910, on y installe un sanatorium afin de faire face au fléau de la tuberculose, mais l’expérience ne sera pas renouvelée. Pendant la première guerre mondiale, on y établi un hôpital temporaire de 200 lits vers lequel on dirige les convalescents jusqu’en octobre 1915. On y soigne également les internés austro-allemands du camp de l’Île Longue. En avril 1918, le lazaret est à nouveau ouvert pour y accueillir en quarantaine les soldats portugais suspects d’être porteurs du typhus. Puis, à l’automne 1918, en raison de l’épidémie de grippe espagnole, il est évacué pour reprendre son rôle de lazaret de quarantaine géré par le service de santé de la Marine. En janvier 1919, il voit passer en quarantaine les prisonniers de guerre français et belges de retour d’Allemagne par bateaux.
Tout au long de son histoire, l’île Trébéron aura donc été un lieu où l’on s’est efforcé de contenir les épidémies grâce à la quarantaine, mais où l’on a également lutté contre la maladie lorsque celle-ci a réussi à se diffuser dans la population.